Rennes, couvent des Jacobins

Le Magasin L du campement, dit couvent des Jacobins de Rennes, classé monument historique depuis le 14 Mai 1994, est situé au nord-ouest du centre historique. Ce bâtiment est quasiment vidé de ses activités depuis de nombreuses années. Seul le rez-de-chaussée est affecté à des activités sportives. Les abords des bâtiments, destructurés, sont réservés au stationnement.

Des investisseurs, intéressés par la position géographique et les abords du couvent, non bâtis mais urbanisables au POS, ont proposé des modes d’action qui présentaient des potentialités de densification et de réaffectation des volumes existants. Ils ont cependant soulevé des interrogations de la part de la MRAI, consciente que ce patrimoine exceptionnel “des Jacobins” dépassait le cadre de la rentabilité d’éventuels acquéreurs et devait être étudié à l’échelle de la ville.

Reconversion

La mise en valeur du couvent des Jacobins dépend de plusieurs facteurs :

  • de la valeur patrimoniale des bâtiments,
  • des potentialités urbaines du site qui, dédensifié depuis des décennies, pourrait être recomposé suivant les principes antérieurs,
  • de la proposition de programmes compatibles avec les bâtiments existants, les abords, le quartier et la ville,
  • de la volonté politique de la ville d’encadrer la mise en valeur en partenariat avec les services de l’État,
  • de l’association de différents acteurs intéressés autant pour sa rentabilité que pour sa recomposition offrant un nouvel intérêt urbain,
  • de l’imbrication des notions de protection et de mise en valeur.
    Le croisement de ces différents thèmes d’analyse a permis de hiérarchiser le patrimoine, les potentialités d’action et de programmation.

Le contexte historique

Cet édifice est un lieu de mémoire auquel se rattachent l’histoire de la Bretagne et de l’Ordre Prêcheur des Dominicains. C’est à Rennes que l’Ordre possédait sa plus vaste bibliothèque. Cet ensemble conventuel encore très marqué par l’architecture des XIVe et XVe siècles devait être entièrement restructuré à la Contre-Réforme. Le projet n’a jamais été achevé pour des raisons liées à l’Ordre et à l’évolution sociale du siècle des Lumières. Pendant la Révolution, il sert partiellement de magasin de fourrage, puis l’armée en devient propriétaire au début du XIXe.

Les bâtiments entourant le cloître deviennent le magasin L du campement. Le couvent fut remanié au XIXe siècle, notamment au niveau des couvrements de l’aile nord de l’église, dont la charpente a brûlé en 1821, écroulant la voûte dans la nef. Actuellement, seul le rez-de-chaussée est utilisé en locaux associatifs et sportifs des armées. L’église, très endommagée, a été redivisée horizontalement et verticalement.

Plusieurs campagnes de travaux et de démolition ont modifié la lecture des bâtiments et de l’organisation monastique. Jardin, potager et verger ont été urbanisés modifiant les perceptions sur les bâtiments conventuels enserrés dans un tissu bâti.

Les visites des bâtiments conventuels avec le service de l’Inventaire, l’architecte des bâtiments de France et le cabinet Bancon nous ont permis, en croisant les approches différentes, de comprendre l’organisation du couvent et les modifications apportées par chaque campagne de travaux. Cette approche visuelle et architecturale des Jacobins a eu pour effet de hiérarchiser le patrimoine par un repérage d’éléments archéologiques, la structure, la pathologie des ouvrages, afin de cadrer les options de restitution et d’aménagement.

Les différentes analyses ont montré que nous étions face à deux entités distinctes, celle du couvent et celle d’un terrain libre anciennement bâti. Si la première entité a une valeur patrimoniale exceptionnelle, la seconde ne peut être que l’accompagnement d’un programme majeur à l’échelle de la capitale régionale.

Les options

Ce travail n’aurait pu être réalisé sans la collaboration du bibliothécaire-archiviste
de l’Ordre des Jacobins de Rennes, du service de l’Inventaire de Bretagne, du SDAP, de la Ville de Rennes, et des ingénieurs de la MRAI.

Le document, présenté par la MRAI à la Ville de Rennes, préconise la mise en valeur des volumes et espaces claustraux, les potentialités d’extension accompagnant le couvent, à l’emplacement de bâtiments anciens démolis. Il ne s’agit pas de réaliser un projet, mais de donner de grandes orientations de programme et de faisabilité. Les futurs investisseurs, leurs maîtres d’œuvre, la Ville de Rennes et les services de l’État compléteront cette première réflexion sur un site en devenir.

Quatre thèmes ont été abordés et développés : le patrimoine et l’usage, les potentialités du site, la mise en valeur du patrimoine bâti, les programmes envisageables et les conditions d’un futur projet. Ces quatre thèmes montrent qu’il y a des approches multiples compatibles avec l’histoire des lieux.

L’analyse fine du POS. offrait des possibilités qui, si elles étaient conformes aux intentions de la ville, n’étaient pas compatibles avec l’esprit du lieu, en proposant des gabarits importants ou en s’affranchissant de l’histoire des lieux.

Nous avons proposé de respecter le moutonnement général des bâtiments nettement dominés par l’église et de permettre une densification du vide en s’appuyant sur les traces et tracés existants. Les services de la Ville ont accepté de prendre un certain nombre de propositions dans le POS en révision afin qu’il soit mieux adapté à la réalité patrimoniale du couvent des Jacobins.

La recomposition de l’espace dominicain proposée est, au stade de cette étude, la première concrétisation d’une démarche de recomposition du site.

Ce dossier est la base d’une discussion avec les services de l’Etat, afin de trouver une adéquation entre patrimoine, fonction, usage et modes de financements. Il n’y a pas dans ce domaine de réponse univoque, mais des interprétations différentes liées à nos cultures professionnelles ou personnelles. Les Jacobins sont la preuve que les quartiers et les villes sont des creusets de réflexion, d’évolution, d’adaptation multiple.

Le but de cette étude n’est pas d’empêcher la mise en valeur par une nouvelle strate permettant une fois de plus de créer dans le créé, mais de refuser un processus d’aménagement irréversible, non respectueux de l’histoire, des hommes et de leur savoir-faire. Cette approche, à l’initiative de la MRAI servira de cadre à la recherche d’une nouvelle utilisation de lieux. Elle met en évidence le potentiel lié à ce patrimoine architectural et urbain de la ville de Rennes.

Daniel DUCHÉ
architecte

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